« Femme et terre » de Ronald Thibert

L’oeuvre Femme et terre, aussi connue sous le nom de «hymen à Maria», est une sculpture monumentale de l’artiste Ronald Thibert.
Cette sculpture controversée nous invite à réfléchir sur le lien profond entre l’être humain et la société. En tant que futur(e)s citoyen(ne)s conscient(e)s de votre héritage culturel, il est important de comprendre comment nos artistes savent traduire en formes et en volumes les préoccupations de notre société dans laquelle nous évoluons.
Ce quiz vous permettra ainsi d’aiguiser votre regard critique et d’approfondir votre compréhension des choix artistiques de Ronald Thibert derrière l’oeuvre Femme et terre tout en explorant des aspects de l’histoire du Québec qu’elle tente de mettre en relief.
Lisez attentivement la fiche de l’œuvre. Soyez attentifs aux détails, aux symbolismes et au contexte de création de l’œuvre. Sous son apparente simplicité formelle, son interprétation est plus complexe qu’elle n’y paraît.
L'artiste s'est inspiré de quelle œuvre littéraire du terroir pour réaliser sa sculpture?

Le Survenant (Germaine Guèvremont)
Maria Chapdelaine (Louis Hémon)
Les filles de Caleb (Arlette Cousture)
Menaud, maître-draveur (Félix-Antoine Savard)
Quels matériaux principaux ont été utilisés pour cette sculpture?

Bronze et verre
Acier et bois
Céramique et polymère
Granit et aluminium
Quel effet visuel principal l'artiste a-t-il recherché en optant pour ces deux matériaux?

Le contraste
L'harmonie
Le mouvement
La stabilité
Quelles thématiques principales sont explorées dans cette œuvre?

Le lien entre l'humain et la nature
La guerre et la paix
L'industrialisation et la modernisation
La nature et la condition féminine
Lequel de ces passages du roman «Maria Chapdelaine» a pu inspiré l'artiste dans la réalisation de son œuvre?

«Deux ou trois fois au début de juillet Maria alla cueillir des bleuets avec Télesphore et Alma-Rose; mais l’heure de la maturité parfaite n’était pas encore venue, et le butin qu’ils rapportèrent suffit à peine à la confection de quelques tartes de proportions dérisoires.»
«Vingt ans plus tôt les grands incendies avaient passé par là, et la végétation nouvelle ne faisait que poindre entre les troncs morts et les souches calcinées.»
«En les servant, la mère Chapdelaine demanda cent détails sur le travail de la journée, et quand l’idée du coin de terre déblayé, magnifiquement nu, enfin prêt pour la culture, eut pénétré son esprit, elle montra une sorte d’extase.»
«Prendre une demi-heure de repos parfois l'été, assise sur le seuil, en face des quelques champs enserrés par l'énorme bois sombre»
Que représente la pièce centrale de la sculpture «Femme et terre»?

Les pages d'un livre ouvert
Une chute d'eau
Les sillons de terre retournée et une vulve
En quelle année «Femme et terre» de Ronald Thibert a-t-elle été réalisée?

1967
1972
1986
2016
Combien de temps après son installation a-t-elle été rebaptisée «l'hymen à Maria»?

1 mois
5 mois
1 an
3 ans
Parmi ces quatre questionnements universels qui ont animé Ronald Thibert durant sa carrière, lequel ressort davantage de la sculpture «Femme et terre»?

La vulnérabilité humaine
L'éphémérité du monde matériel
Le passage du temps
Le sens même de la production artistique moderne
C’est à la fin du mois de juin 1912 que l’auteur français Louis Hémon arrive à Péribonka, petit village au nord du Lac-St-Jean / Pekuakami, où il trouve l’inspiration pour son roman Maria Chapdelaine. Le succès international de celui-ci dans les années 1920 fut si important qu’on décida d’établir un musée à Péribonka pour y commémorer le passage de son auteur : le Musée Louis-Hémon.
Alors qu’il préférait le plus souvent travailler l’acier et le bois, l’artiste Ronald Thibert a ici opté pour deux matériaux typiques de la région du Lac-St-Jean. D’abord le granit noir dit «Péribonka» extrait de carrières situées au nord-ouest d’Alma. Puis l’aluminium, produite par Rio Tinto / Alcan qui contrôle six centrales hydroélectriques distribuées sur le territoire du Saguenay–Lac-St-Jean et qui servent à alimenter leurs usines de transformation.
Dans son ensemble, la sculpture est empreinte d’une dualité et d’un sentiment d’oppression – thématique chère à Louis Hémon – qui se manifestent à travers ses éléments constitutifs et sa forme. D’une part, on y retrouve des blocs de granit noir, distribués au quatre coins de l’œuvre, qui évoquent la forêt dense et hostile encerclant la maison et les terres de la famille Chapdelaine. Enserrés par cet énorme bois sombre, les rivières et les quelques champs défrichés par la famille sont alors représentés par des pièces en aluminium claires rappelant les sillons de la terre labourée.
Avec Femme et terre, l’artiste nous offre une interprétation personnelle du roman Maria Chapdelaine de Louis Hémon par laquelle il cherche à reformuler l’image de la nature et à matérialiser la pression morale et les contraintes qui étaient imposées aux femmes au début du XXe siècle.
Derrière la pièce centrale, on retrouve la citation «Quelques champs enserrés par l’énorme bois sombre» tirée de Maria Chapdelaine qui s’illustre dans la sculpture Femme et terre par les feuilles d’aluminium pliées (les champs) enserrées par les énormes blocs de granit noir (bois sombre).
Tout en représentant à la fois les sillons de terre retournée et une vulve, la pièce centrale symbolise en plus les rideaux des fenêtres de la maison des Chapdelaine par lesquels les personnages féminins principaux – Maria et sa mère Laura – regardent dans l’espoir de s’évader et de se délivrer de leur contraintes quotidiennes. Comprimée entre deux blocs imposants de granit noir, la pièce centrale de l’œuvre Femme et Terre demeure ainsi un symbole puissant d’oppression féminine.
Cette œuvre de Ronald Thibert a été réalisée en 1986 dans le cadre de la Politique d’intégration des arts à l’architecture et à l’environnement. Cette politique est une mesure gouvernementale consistant à allouer environ 1% du budget de construction d’un bâtiment, ou d’aménagement d’un site public, à la réalisation d’œuvres d’art précisément conçues pour ceux-ci. Dans le cas présent, il s’agissait du Pavillon Contemporain du Musée Louis-Hémon inauguré le 5 juin de la même année.
Plutôt que la profondeur de sa dimension sociale, c’est son caractère sexuel qui retient le plus souvent l’attention du public et des médias. C’est d’ailleurs à la suite d’un scandale médiatique que la sculpture fut rebaptisée «l’hymen à Maria». Installée depuis le mois de novembre 1986 devant le nouveau bâtiment du Musée Louis-Hémon, l’œuvre n’avait fait que très peu parler d’elle jusque-là. Il n’aura fallu qu’un simple billet d’opinion, publié par Richard Banford le 17 novembre 1987 dans le journal Le Quotidien, pour projeter la sculpture Femme et Terre – et du même coup son auteur – dans un tourment médiatique national.
Ronald Thibert est décédé le 31 mars 2016 à Saguenay. Il laisse derrière lui un héritage riche marqué par l’universalité et la profondeur de ses questionnements dont celle de la vulnérabilité humaine qu’il exprime à travers cette œuvre où il critique ouvertement l’oppression de la société québécoise exercée sur les femmes au début du XXe siècle.
Outre son caractère sexuel qui retient le plus souvent l’attention du public et des médias, l’œuvre «Femme et terre» déploie en réalité plusieurs couches de lecture symbolique.
Sous son apparente simplicité formelle, Femme et terre de Ronald Thibert déploie un dense réseau symbolique où s’entrelacent vulnérabilité humaine, territoire et identité collective, invitant le regard à dépasser la fusion littérale entre figure féminine et nature pour découvrir une réflexion plus profonde sur nos racines.
La sculpture devient ainsi un palimpseste visuel où chaque forme, chaque texture, révèlent de nouvelles interprétations à qui sait prendre le temps de l’observer.