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Zone Louis Hémon

Le roman Maria Chapdelaine

Un roman du terroir au succès international

Maria Chapdelaine, récit du Canada français a été publié pour la première fois en 1914 sous forme de feuilleton dans le quotidien parisien Le Temps. Ce n’est toutefois qu’à partir des années 1920 qu’il a connu un succès international, et ce, grâce aux efforts publicitaires de l’éditeur français Bernard Grasset.

À la fois louangé, controversé et critiqué, le roman Maria Chapdelaine n’est certainement pas passé inaperçu. Premier best-seller francophone, il a été publié en plus de 150 éditions différentes. Il a été traduit en plus de 30 langues et il a inspiré quatre adaptations cinématographiques, des pièces de théâtre, un opéra, le nom d’un fromage et bien plus encore.

Aujourd’hui, on parle du roman de Louis Hémon comme d’un important phénomène littéraire qui s’est étendu d’un continent à l’autre et qui a laissé sa marque dans l’histoire de la littérature québécoise.

MLH Maison Samuel Bédard (vers 1915) 2
Le lot de terre de la famille Bédard au début du XXe siècle

Louis Hémon à Péribonka

En 1912, le jeune écrivain Louis Hémon s’installe à Péribonka où il travaille comme ouvrier agricole chez Samuel Bédard.

Durant son séjour de six mois, il observe attentivement la vie des colons et prend de nombreuses notes. Ces observations formeront la base de son roman Maria Chapdelaine qu’il rédigera à St-Gédéon le mois de janvier suivant et mettra finalement au propre, à Montréal, à partir du mois d’avril.

Hémon écrit le manuscrit en s’inspirant des gens et des paysages qui l’entourent. Il dépeint la vie rude des pionniers, leurs traditions, leur attachement à la terre ainsi que les nombreuses déchirures de la société cannadienne-française de l’époque.

Bien qu’Hémon ne verra jamais son œuvre publiée, Maria Chapdelaine deviendra le premier best-seller francophone et posera une brique importante dans l’édification de la littérature québécoise.

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Maria Chapdelaine a d’abord été publié dans Le Temps du 27 janvier au 19 février 1914

Les premières éditions

Le roman Maria Chapdelaine, récit du Canada français a d’abord été publié sous forme de feuilleton dans le journal français Le Temps en 1914. À la veille de la Première Guerre mondiale, la dernière oeuvre de Louis Hémon aurait facilement pu passer inaperçue sans l’œil avisé de Louvigny de Montigny, homme de lettre réputé et « père » du droit d’auteur canadien.

« C’est, avant tout, pour fournir aux jeunes écrivains de mon pays un modèle de littérature canadienne que j’ai souhaité la publication de cette œuvre chez nous » écrivait-il, puisque « le roman de Louis Hémon, sauf erreur, me paraît le plus complet dans son cadre, le plus vrai, le plus pur, le plus simple et […] le plus littéraire que le Canada français ait encore inspiré. »

Par l’initiative de Montigny, le récit paru pour la première fois sous forme de livre aux éditions J.-A. LeFebvre de Montréal en 1916. Cette publication, brillamment illustrée par des planches au fusain du célèbre Marc-Aurèle de Foy Suzor-Coté, marque les débuts d’une grande aventure littéraire.

Bernard Grasset 300 (Jean Bothorel)
Bernard Grasset. Photo tirée de Jean Bothorel, Bernard Grasset, vie et passion d’un éditeur, Grasset, 1989

Bernard Grasset s’empare de Maria

Alors que LeFebvre s’autoproclamait détenteur du copyright de Maria Chapdelaine, c’est pourtant l’éditeur français Bernard Grasset qui réussi, en un tour de force, à acquérir les droits exclusifs de l’œuvre, éliminant par conséquent toute compétition internationale concernant sa publication.

À l’aide de Maria Chapdelaine, destiné à inaugurer sa toute nouvelle collection des Cahiers verts lancée en 1921, Bernard Grasset a révolutionné le monde de l’édition après la Première Guerre mondiale. Il a fait passer les tirages de 2000 à plus de 10 000 exemplaires, il a inventé la publicité littéraire et les services de presse, et il a modernisé la typographie des livres.

Ces innovations ont non seulement transformé la promotion et les pratiques éditoriales de l’industrie du livre en France, mais ils ont fait de Maria Chapdelaine un phénomène littéraire international.

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Au centre, édition des Cahiers verts de Maria Chapdelaine publiée en 1921

La recette d’un succès

Décidé à ce que le roman de Louis Hémon devienne L’ÉVÈNEMENT LITTÉRAIRE dont tout le monde parle, l’éditeur français n’y est pas allé de main morte pour faire connaître, au plus grand nombre, le récit du jeune auteur.

Tout en misant sur l’exotisme des paysages et sur les valeurs traditionnelles du Canada français transmises à travers le récit, Grasset s’est attelé à une campagne publicitaire d’une ampleur et d’une nature qui n’avaient encore jamais été vues sur le sol français.

Pour l’éditeur, toutes les ressources publicitaires sont bonnes : création d’un visuel unique pour la collection des Cahiers Verts, autorisations exclusives de publication de l’œuvre pour certains des plus grands journaux de France, organisation de concours pour les jeunes, affichage publique de la progression des ventes, rabais aux libraires, envois de copies gratuites aux paroisses, création de ses propres jurés littéraires, etc.

Grasset Et Halévy 300 (Jean Bothorel)
Bernard Grasset (à droite) en discussion avec Daniel Halévy, responsable de la collection des Cahiers verts. Photo tirée de Jean Bothorel, Bernard Grasset, vie et passion d’un éditeur, Grasset, 1989

Après avoir appâté les personnalités et les journalistes les plus influents du milieu littéraire avec une édition limitée et numérotée des Cahiers Verts, il semble avoir profité de leurs retours favorables pour amener, à la littérature, des publics que bien peu d’éditeurs avant lui avaient pensé pouvoir intéresser.

Grasset a également réalisé un véritable coup d’audace en obtenant non seulement le soutien des milieux catholiques français, mais aussi en soutirant un éloge public du roman de Louis Hémon de la part de l’Académie française. Du jamais vu pour une œuvre posthume !

En effet, avec cette mise en scène publique bien orchestrée, Grasset s’est assuré de la pérennité des ventes de l’œuvre tout en s’imposant comme l’éditeur le plus dynamique et le plus prestigieux de son époque.

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Tournage du film de Jean Duvivier à Péribonka

Maria Chapdelaine, au-delà du roman

Enfin autorisée par Grasset, la première adaptation cinématographique de Maria Chapdelaine a été réalisée en 1934 par Julien Duvivier. Ce film, tourné en grande partie à Péribonka, a contribué à faire connaître l’œuvre de Louis Hémon à un public plus large. L’actrice Madeleine Renaud y incarnait le rôle-titre et Jean Gabin celui de François Paradis, apportant une dimension visuelle aux personnages emblématiques du roman.

Quatre ans plus tard, en 1938, le Musée Maria-Chapdelaine (aujourd’hui le Musée Louis-Hémon) a été inauguré à Péribonka, au Québec. Situé dans la région du Lac-Saint-Jean où se déroule l’histoire du roman, ce musée a été créé pour préserver et mettre en valeur le patrimoine culturel lié à l’œuvre de Louis Hémon. Il offre alors aux visiteurs une immersion dans l’univers du roman et dans la vie rurale québécoise du début du 20e siècle.

L’adaptation cinématographique et l’ouverture du musée ont joué un rôle important dans la pérennisation de l’héritage de Maria Chapdelaine, consolidant sa place dans la culture québécoise et francophone.

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Bande-dessinée de Maria Chapdelaine de Laurent Brault et Clermont Duval

Depuis le film de Julien Duvivier en 1934, Maria Chapdelaine a connu trois autres adaptations cinématographique. En 1950, Marc Allégret réalisa une nouvelle version, suivie en 1983 par celle de Gilles Carle, avec Carole Laure dans le rôle-titre. Plus récemment, en 2021, Sébastien Pilote a réalisé une nouvelle adaptation, ramenant l’authenticité de l’œuvre à l’attention du public contemporain.

Sans compter les innombrables produits dérivés (beurre, fromage, bandes-dessinées, suites littéraires, etc.), le roman a également inspiré des adaptations radiophoniques, dont le radioroman réalisé par Yves Thériault et Jacques Gauthier diffusé à Radio-Canada à partir de 1953, ainsi que plusieurs pièces de théâtres, et ce, dès 1919.

Ces multiples adaptations témoignent de la pérennité et de l’importance culturelle de l’œuvre de Louis Hémon, qui continue de captiver les créateurs et le public à travers les générations.

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« Maria Chapdelaine, récit du Canada français » nous plonge au coeur du « pays de Québec » à travers le destin d’une jeune femme du nom de Maria qui se fait tour à tour courtisée par trois hommes : François Paradis, un coureur des bois aventureux, Lorenzo Surprenant, un émigré prospère aux États-Unis, et Eutrope Gagnon, un colon qui, comme le père de Maria, aime « faire de la terre ». Chacun lui offrant des perspectives différentes, elle devra faire un choix déchirant qui changera à jamais le cours de sa vie.

Le succès de Maria Chapdelaine en quelques dates

1914 1916 1919 1921 1923 1933 1934 1935 1937 1938 1950 1951 1953-1955 1975 1980 1983 1986 2002 2014 2019 2021
1914

Du 27 janvier au 19 février, publication de Maria Chapdelaine, récit du Canada français en feuilleton dans le journal parisien Le Temps.

1916

Première parution, sous forme de volume, chez Joseph-Alphonse LeFebvre (Montréal), avec des illustrations originales au fusain réalisées par Marc-Aurèle de Foy Suzor-Coté.

1919

Première adaptation théâtrale du roman, écrite par Alonzo Cinq-Mars et Damase Potvin et publiée dans la revue Le Terroir.

1921

Publication de la première édition française aux éditions Bernard Grasset qui inaugure la collection « Les Cahiers Verts » dirigée par Daniel Halévy.

1923

Adaptation théâtrale du roman par Loïc Le Gouriadec.

1933

Publication d’une édition deluxe chez Mornay avec les illustrations en couleur réalisées par Clarence Gagnon.

1934

Première adaptation du roman au cinéma par le réalisateur français Julien Duvivier. Le film met en vedette Jean Gabin, dans le rôle de François Paradis, et Madeleine Renaud, dans le rôle de Maria Chapdelaine.

1935

Création de la fondation de la Société des Amis de Maria Chapdelaine qui chapeautera le projet du Musée Maria-Chapdelaine à Péribonka quelques années plus tard.

1937

Première adaptation théâtrale du roman en anglais par Louis Mulligan.

1938

Inauguration du Musée Maria-Chapdelaine à Péribonka.

1950

Deuxième adaptation au cinéma par le réalisateur français Marc Allégret. Le film met notamment en vedette Michèle Morgan dans le rôle de Maria Chapdelaine.

1951

Sortie de la chanson Les noces de Maria Chapdelaine adaptée par Pierre Hamel.

1953-1955

Adaptation de Maria Chapdelaine en radioroman par Yves Thériault et Jacques Gauthier pour Radio-Canada.

1975

Parution d’un timbre canadien en hommage à Louis Hémon. Illustration de Clarence Gagnon.

1980

Adaptation du roman en bande-dessinée par Laurent Brault et Clermont Duval.

Publication de la première édition critique de Maria Chapdelaine présentée par Ghislaine Legendre et Nicole Deschamps aux Éditions du Boréal.

1983

Troisième adaptation au cinéma par le réalisateur québécois Gilles Carle. Le film met en vedette Carole Laure dans le rôle de Maria.

Pièce de théâtre Le retour de Frank Paradis inspirée du roman et réalisée par Michel-Marc Bouchard.

1986

Le Musée Maria-Chapdelaine, inauguré en 1938, devient le Musée Louis-Hémon.

2002

Inauguration de l’exposition Maria Chapdelaine, vérités et mensonges au Musée Louis-Hémon.

2014

Sortie du documentaire « Sur les traces de Maria Chapdelaine » réalisé par Jean-Claude Labrecque.

2019

Adaptation du roman en opéra par Jim Leonard.

2021

Quatrième adaptation au cinéma par le réalisateur québécois Sébastien Pilote.